La frontière de la vie
Yoko dans les médias

Quelques ouvertures symboliques dans La frontière de la vie

Cet article nous a été envoyé par Richard Gendron que nous remercions et citons :

“Toujours provenant de la revue Solaris, un article écrit par Richard Langlois sur La frontière de la Vie. L’article s’inscrivait dans un spécial BD Science-Fiction et Fantastique (Solaris #60, vol.10, no.6, mars-avril 1985, p.38-39).”

Quelques ouvertures symboliques dans « La frontière de la vie »
de Roger Leloup
par

Richard LANGLOIS

La couverture de La frontière de la vie

passer sous la tour” comme première épreuve initiatique, la deuxième épreuve est une ruelle du nom “d’alter keller(vieille cave), pour en arriver à la schmiedgasse(ruelle de la décision). Cinq minutes après, Yoko incante des chiffres magiques: “22…24 !… “  

Tout cela dans un décor où s’élèvent de nombreuses tours silencieuses et non habitées, signes de vigilance, de protection, de lieux cachés. Le souci topologique rejoint le souci narratif; un détour de sens s’effectue constamment à l’ombre des tours. On déplace inconsciemment notre regard neutre pour mettre en branle toute la mémoire d’un monde secret; celle qu’on perdit lors de la construction de la tour de Babel. Nous sommes à la recherche d’un langage perdu. Ces élévations construites à l’époque où les alchimistes cherchaient une transmutation matérielle et spirituelle traduisent bien le trait d’union entre la terre et le ciel. Les poursuites nocturnes sur les remparts, aux pieds des tours rondes et carrées, n’aboutissent jamais. Lorsque l’on veut aller trop loin avec l’En-Haut, on perd le contact avec l’En-Bas. I1 faut donc fuir ces tours aériennes où l’on sublime et pénétrer dans la partie souterraine qui évoque la part matérielle et humaine. Méthodiquement, les personnages passeront par la crypte extérieure du cimetière (mort sociale), pour pénétrer dans un caveau (mort familiale) et descendre finalement dans une cave (mort individuelle). Là, dans l’écho visuel

-Car tout est en haut, rien n’est en bas, Mais il le semble seulement à ceux qui n’ont pas la Connaissance”.
Odes de Salomon, 34.
Toute l’oeuvre de Roger Leloup est une invitation à l’arrêt iconique, à la réflexion thématique et à l’interprétation symbolique. Malgré l’exemplaire souci d’un graphisme soigné, il ne faut pas entrer dans les aventures de Yoko Tsuno avec des oeillères de simple géomètre où d’esthète précieux. Nous découvrons rapidement que l’approche scientifique n’est qu’un prétexte au glissement symbolique. C’est dans la vie quotidienne, ce merveilleux insolite si cher à Edgar Pierre Jacobs, que nous devons chercher le signe remémoratif et prognostique du cheminement narratif. Dans La frontière de la vie 1, une cohérence profonde dans le thème universel de notre condition humaine, syncopée par la vie et la mort, nous fait apprécier l’importance d’un passé trop vite oublié, d’un présent conflictuel à surmonter et le projet sans frontière d’un avenir meilleur à réaliser. Par la structure atemporelle du scénario, tout se passera sous terre où le jour ne se mesure plus, où le passé n’appartient plus au passé et le futur est si présent, que l’instant privilégié de la vie d’un personnage deviendra le fil conducteur de l’intrigue; tout cela dans la tradition d’une oeuvre déjà classique.

Arrêtons-nous d’abord au début du récit où, dès le premier récitatif, écrit sur un

parchemin sur le quel figure une mystérieuse tour emblématique rouge, nous pénétrons dans un temps et un espace symbolique. Le rapprochement de cet album avec le 16e siècle, le premier siècle moderne, éclate encore plus lorsque nous prenons la peine de fouiller et d’apprendre que cette époque brisa toute frontière et décloisonna la pensée, grâce aux liens fidèles avec l’Antiquité. On remit tout en question avec un sens humaniste insurpassé. Ce siècle de la Renaissance fut marqué par la Réforme religieuse, les plus grandes découvertes géographiques, le couronnement du gothique, le début du baroque et surtout l’aurore de la vraie pensée scientifique sans frontière avec d’illustres noms cosmopolites, tels le Polonais Copernic, l’Italien Galilée, l’Hollandais Jansen, le Suisse Paracelse, l’Anglais Bacon et les Français Nostradamus et Ambroise Paré. Dans l’album, nous retrouvons aussi cette absence de frontière géographique et politique, avec la collaboration de techniciens d’Allemagne de l’Est, Dimitri et Ivan, et d’Allemagne de l’Ouest, Kurt et Hans.

À la première page, le personnage principal arrive seul, vêtu de rouge, durant une fin d’après-midi de mai (Renaissance). Yoko tente de déchiffrer une lettre énigmatique, après avoir passé sous le signe solaire d’un lion d’or 2. Dans la lettre on demande de

Rothenburg

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C'est Moi

Un commentaire

  • Cherrydean

    C’est vraiment joli, mais à moins que M. Leloup ce soit amusé à vraiment mettre tout ça dans La frontière de la vie, ce que je ne croirai que si Emilia le confirme (avec tous ces débats qu’on a eu sur ce genre de choses…), il me semble que ça pousse loin des fois. Remarquez que je n’y connais rien.

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