À la découverte du peuple Toraja
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À la découverte du peuple Toraja

Texte et photos: ORESIAS
Curieux d’architecture, Leloup a profité de l’aventure indonésienne de ses personnages (La Spirale du temps) pour nous faire découvrir ou redécouvrir le style spectaculaire
des constructions de la population Toraja. Oresias a eu l’occasion de faire un peu plus ample connaissance avec ce peuple, et nous en dit un peu plus sur cette culture intéressante. !

 


À LA DÉCOUVERTE DU PEUPLE TORAJA


Village Toraja

Le peuple Toraja est un peuple à part entière. Situé au centre-ouest de l’île de Sulawesi, le Tana Toraja (“Pays Toraja”) se situe dans les zones de moyennes montagnes, un peu moins élevées que ce que l’ont pourrait voir en venant de d’Ujung Pandang (anc. Makassar), entre Pare-Pare et Makale (début du Tana Toraja), où le paysage est splendide de par son relief découpé en dentelle avec de fortes dénivelées (les Indonésiens n’ont pas vraiment compris le principe des routes en lacets dans les montagnes…). Les Torajas ont une langue propre, un culte animiste particulier, et ethniquement, il semble qu’ils soient différents des autres Indonésiens, mêmes des autres habitants de Sulawesi.
Maison Toraja
Ce qui surprend en premier lieu en arrivant en Tana Toraja, ce sont les toits des habitations qui se découpent du relief. De grands toits très élancés et profilés, qui paraissent dessinés par de grands architectes contemporains. La raison de cette forme des toits reste une énigme, certains pensent qu’il s’agit de la forme d’un bateau ; les Torajas étaient autrefois un peuple de pêcheurs vivant le long des côtes de Sulawesi, peut être est-ce là une façon de se souvenir de leurs origines? D’autres pensent que ça reflète la forme des cornes de buffles.
Ce qui est sûr, c’est que les premiers Torajas vivaient sur les côtes de Sulawesi, vivant probablement de pêche. A l’islamisation de l’Île, les Torajas, animistes, on préféré se retirer dans les terres.
Village Toraja
Dans un village Toraja, les maisons font face à leur réplique en plus petit. Le grand modèle sert de lieu d’habitation, tout simplement. Le petit modèle, lui, sert de grenier à riz, et de par sa fonction, est monté sur grands pilotis pour protéger les vivres des rongeurs. Il y a une symbolique très forte dans l’architecture Toraja. Les maisons Torajas (appellées Tongkonan) sont peintes avec quatre couleurs qui ont une symbolique religieuse (symbolique dans les motifs aussi); noir, rouge, jaune et blanc. blanc = paix et équilibre ; jaune = les êtres humains et le mariage ; rouge = sang, guerre et courage ; noir = mort et ténèbres.
Les Torajas, qui ne construisaient autrefois qu’avec des matériaux naturels, ne renient pas le béton armé pour les pilotis (alors peints en marron pour donner un aspect bois, de même sur les façades et certains sarcophages en béton(!)). Les toitures sont de plus en plus souvent en tôle ondulée. Tout se perd, pourrait-on dire, mais je trouve que non, justement; ici les Torajas embrassent les techniques modernes sans renier du tout leurs traditions.
Que la forme du toit soit très pentue n’a pas de rapport avec le climat, à ce que je crois. Les Bugis, autre ethnie vivant plus au Sud, sur la péninsule Sud-Ouest ont des maisons à toit relativement peu pentus.
Maison en construction
Quand le reste de l’Indonésie est musulmane, les Torajas ont intégré à leur culte animiste la religion catholique apportée au début du XXe siècle par des missionnaires qui se sont acharnés pendant des décennies avant d’arriver à les faire céder. Ce qui donne un curieux mélange entre les rites animistes et le culte catholique; églises, messes, croix sur les tombeaux Torajas, mais aussi embaumement des défunts et sacrifices rituels (que des animaux depuis le début du XXe siècle…) lors de funérailles, auxquelles j’ai pu assister (à partir du moment où on vient avec une offrande, on est bien accueillis, mais il faut bien être accroché pour voir le sacrifice d’animaux ; cochons et buffles par dizaines, voire plus). Les funérailles Torajas sont un moment de joie et de festivités, le défunt étant définitivement décédé depuis des semaines, parfois des mois auparavant. En attendant les funérailles, le corps du défunt reste parmi les vivants, dans sa maison familiale (d’où l’embaumement), et est traité comme un malade (on lui présente de la nourriture tous les jours, par exemple), jusqu’aux funérailles. Les funérailles sont très très coûteuses, car il faut rassembler toute la famille éparpillée partout dans le monde (il y a des Torajas de Hollande), et les animaux du sacrifice coûtent cher.
Les cornes de buffles que l’ont peut admirer devant les maisons Torajas sont celles des buffles sacrifiés lors de funérailles du précédent propriétaire de la maison (ses descendants vivant dedans). Les côtés de la maison sont ornés par les mâchoires des cochons sacrifiés.
Le mort est ensuite placé dans une tombe troglodyte. Les vieilles tombes et les vieux sarcophages sont parfois éventrés, la trappe en bois pourrissant par l’humidité quand elle n’est plus entretenue, et les ossements humains traînent par terre… Les statues de bois au dessus des tombes (les Tau-Tau) représentent les défunts, pour les montrer toujours présents parmi les vivants. Malheuresement, depuis quelques années, elles sont livrées au pillage de collectionneurs privés (ce qui relève donc d’une affligeante profanation, voire pire quand on comprend la symbolique de ces statues). Du coup, les Torajas se relèvent à tour de rôle pour surveiller leurs cimetières. Chose très étrange et émouvante, les bébés qui meurent avant la poussée des premières dents sont inhumés dans des arbres (une cavité, naturelle ou creusée dans le tronc est utilisée), de sorte que le bébé continue de grandir avec l’arbre…
Tombes Toraja
Les funérailles Torajas posent un problème sanitaire assez grave: les animaux sont sacrifiés par dizaines, voire une centaine si le défunt était noble et riche, toute la viande ne peut pas être consommée et est gaspillée. De plus, les animaux coûtant très cher pour les Torajas, des funérailles peuvent ruiner une famille. Le gouvernement Indonésien a donc décidé de taxer les sacrifices afin de les limiter. Alors la viande est vendue aux enchères à l’endroit même des funérailles. Une partie est bien sur consommée par les convives, et en tant qu’invité, j’en ai mangé, mais disons que… la couenne de porc grillée (la viande rouge est vendue, et les Torajas sont friands de la couenne grillée), et les os de poulets (autre curieuse spécialité Toraja qui m’a laissé sur ma faim :P), c’est pas trop mon truc, mais bon, il faut tout manger, sinon, il vont être vexés…

Mais on pourrait encore en raconter, des choses étranges sur les Torajas. Je peux pas dire que j’y sois resté longtemps (1 semaine à Sulawesi seulement ), mais ça vaut le coup d’y rester plus longtemps. Gens très gentils, très accueillants en tout cas, et curieux de nous connaître. Si je retourne en Indonésie, sûr que je repasse à Sulawesi. Beaucoup moins touristique que Bali, on dit le pays Toraja touristique, mais les touristes, je les ai comptés sur les doigts d’une main.

7 commentaires

  • Oresias

    Mmmh, merci smiley

    Et je vous encourage à voyager dans la vie. Les voyages forment la jeunesse, mais enrichissent aussi l’esprit.

    Voyagez intelligent aussi, c’est à dire dans le respect et la compréhension des populations locales, des traditions, des us et coutumes.
    C’est aussi le respect de l’environnement, de la nature et des animaux, et de ne pas encourager certaines pratiques perverties pas le tourisme de masse (les traditions survivant que pour le folklo touristique, la mendicité, la nourriture “exotique” – et parfois illégale -, ou le maltraitement des animaux pour distraire les touristes, etc.).

    L’impact du tourisme n’est jamais nul, aussi faut-il veiller à rendre cet impact le moins nuisible possible, et encore une fois: du respect. smiley

    D’ailleurs, je vous conseille l’écotourisme.

    Et visitez mon site : http://icioulabas.free.fr/ smiley

  • Gobol

    Merci pour ce bel article. Et les précisions que tu donnes sur le tourisme et ses méfaits sont malheureusement tout à fait exacts…
    Nous avons trouvé une “solution” : rencontrer sur places des gens, en Europe pour l’instant. Et apprendre à les connaître en vivant avec eux au quotidien : Cela n’applanit pas les différences culturelles, loin de là, mais permet de tenter au moins de comprendre l’autre. Même chez nos voisins, il y a parfois des choses difficiles à comprendre, tant l’éducation, la culture, le mode de vie peuvent être différents. En tout cas, tu as raison, il y a une règle d’or : respecter l’autre et ses différences.
    Encore merci.

  • AMAURY

    Grand bravo à Leloup pour ses récits de voyage qui nous font réver (perso j’ai jamais quitté la France) et qui donne plus de réalisme sur le monde fascinant de yoko.
    De plus, les commentaires sont à la fois complet et concis (pour peu que ces termes ne soient pas antinomiques) donc sincérement merci et bravo!
    amicalement et respectueusement,
    amaury

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